Trésors? Trésors! – Mu in the City / 26 juillet 2014. par Virginie de Borchgrave

Le musée de Mariemont est sis au milieu d’un parc de 45 ha tout aussi somptueux que l’architecture du bâtiment. On se croirait plus au Japon ou aux Etats-Unis qu’en Belgique. Un musée à nos yeux encore trop méconnu du grand public. Il présente jusqu’à la fin de l’automne 100 000 ans d’histoire de l’art de la région.

Un incroyable voyage à travers le temps de trésor en trésor, de la préhistoire au XXIe s., du local à l’international en partant du principe, très sérieux pour tout historien de l’art qui se respecte, que toute découverte a le potentiel d’être un trésor, peut-être la clef qui va permettre à la connaissance de se développer.

On y verra des outils qui ont permis de cerner les valeurs et les réseaux des communautés qui les ont façonnées du paléolithique à nos jours, en associant ceux de nos régions avec des contrées lointaines telle que l’Extrême-Orient. Un véritable jeu de piste qui permet de rapprocher des cultures, comprendre des échanges, deviner d’où sont venues les inspirations, expliquer les appropriations, les acculturations, etc. Cartes, plans, photos, documents, vidéos et ambiances sonores essayent de rendre cela le plus vivant possible. Des mises en situation, témoignages, interviews qui achèvent de nous convaincre de l’importance de l’archéologie au fil des siècles.

Une exposition qui, au cours de son cheminement, a le mérite de poser une question pertinente, celle de s’interroger sur l’interprétation de nos vestiges contemporains, ceux qui n’appartiennent plus au présent mais pas encore au passé ? Comment notre époque sera-t-elle perçue dans le futur ? Que restera-t-il de notre civilisation ? « En quoi le fragment ou le reste est-il esthétique ou poétique ? C’est à ce moment-là que l’archéologue se mue en créateur, une dimension incontournable de l’archéologie, discipline humaniste par excellence et de l’imaginaire qui y est associé. »

On découvre  par ailleurs des livres d’artistes, de créateurs, des installations de plasticiens qui interprètent, reconstruisent et réinventent la trace et son contexte. La plus mémorable (et d’actualité dans le contexte de Coupe du Monde) est celle de Eric Dederen « Iven/terre », projet Mémoires du football, 2007-2014. Il recherche la trace du passé en récoltant des fragments et des dépouilles de ballons de foot abandonnés au bord des terrains de jeu. En état de décomposition, il les ramasse avant qu’ils ne disparaissent et les inventorie, en notant sur une grande étiquette blanche attachée au ballon, où et quand il les a trouvés. Collecte intéressante et surprenante qu’il rassemble sur des étagères en fer et qui frappe réellement par son esthétique. On est attiré autant par l’élément en lui-même que par l’ensemble, qui tient magnifiquement la route et ne pâlirait sûrement pas à côté de l’installation arrogante d’un artiste reconnu dans une grande galerie d’art contemporain. Au contraire. Entre archéologie contemporaine et art contemporain, Eric Dedern nous amène intelligemment à une réflexion en forme de triple interrogation : la pratique du football (lieux, liens, enjeux), l’obsolescence programmée du XXIe siècle (péremption déterminée de l’objet) et enfin les différentes formes de notre empreinte temporelle.

Notons encore dans cette partie exceptionnelle de l’exposition intitulée « Archéologies imaginaires », par ordre de préférence, les anniversaires de Sophie Calle, les souvenirs de Christian Boltanski, le Collector de Francis Alÿs, la collection de monnaies de Marcel Broodthaers, les chutes d’atelier de Bernard Villiers et les déchets sublimés de Francis Vloebergs. (…)